"Giants Gaming a fini par embaucher une team médiocre, sans synergie. Aucun de ces joueurs ne peut être considéré comme étant un des meilleurs à son poste, n’ayant pas démontré un bon niveau de jeu lors du split précédent." - Inven Global.
"Les deux rosters sont loin d'être horribles sur le papier, mais semblent vraiment un petit cran en-dessous des autres." - Eclypsia, à propos de Team Vitality et de Giants Gaming
"Un classement supérieur à la huitième place serait assez pour cette équipe ‘Frankenstein.’" - Dot Esports
"Au final, cet effectif laisse énormément de questions en suspens, beaucoup trop pour trouver un semblant de positif en dehors du jeu individuel." - moi-même, pour ESPN Esports.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous nous sommes tous trompés au sujet de Giants Gaming.
Il était difficile d’envisager, d’un point de vue extérieur, que cette équipe puisse réussir dans la LCS, au vu du manque d’un joueur communicatif, ou de spécialiste de la macro, étant donné les performances de ses joueurs lors des années précédentes. Comment allaient-ils s’entendre? A quel niveau allaient-ils jouer s’ils pouvaient s’entendre? Est-ce que le mercato de Giants était assez bon pour survivre à la LCS?
La réponse de Giants s’est faite au fil des matchs; après avoir décroché une victoire contre toute attente face aux Unicorns of Love, l’équipe a fourni une prestation convaincre en dépit de la défaite face à la Team Vitality, avant d’enchaîner avec un 2-0 cinglant lors de la deuxième semaine pour finir dans le peloton de tête au classement provisoire avec trois victoires et une défaite.
Pour Pierre “Steeelback” Medjaldi et Charly “Djoko” Guillard, l’expérience a l’attrait d’une délivrance, après avoir passé une année loin des playoffs, mais aussi loin des relégations au vu de l’existence d’Origen au printemps 2017, et des Ninjas in Pyjamas durant l’été. En dépit de fortes performances individuelles et d’une certaine cohésion en début de partie, Vitality ne pouvait pas tirer l’épingle du jeu au fur et à mesure que les parties évoluaient. L’impression laissée par les prestations de Vitality vis-à-vis du public ont eu un certain impact sur ses joueurs, dont le duo.
Inven Global a été en mesure d’obtenir une interview avec les deux joueurs, afin de réfléchir sur leur passé au sein de Team Vitality, sur les causes du succès actuel de Giants Gaming, et plus encore. Nous avons choisi de publier la version originale de l’interview, étant donné qu'elle diffère légèrement de la traduction anglaise qui est proposée sur le site.
Q. Il y a quelque chose qui m'interpelle au vu des résultats chez Giants, au vu des performances chez Vitality comparé aux performances actuelles chez Giants : Comment se fait-il que les choses marchent ici, et qu’elles ne marchaient pas avant?
Djoko: Chez Vitality, on était des joueurs qui jouaient pour eux-mêmes. On n'arrivait pas à jouer en team, et on était vachement focus sur l'individualité. C'est ce qui nous posait problème, parce que même en team fight ou dans la vie générale, on était vachement individuel, même si on était potes en dehors du game. In-game, on a été vraiment individuel.
Q. Qu'est-ce qui faisait cela au final?
Djoko: Je pense que c'était au sujet des personnalités. Entre Cabochard, Nukeduck, VandeR et Steeelback, c'était des joueurs qui voulaient tous des ressources, et au final on n'arrivait pas à se départager sur quelle partie de la map on allait jouer. Est-ce qu'on allait jouer plus autour du bot ou autour du top? Au final, ça créait des problèmes et des tensions. Je pense, que comparé à Giants, on arrive à jouer en team, et si on se dit 'là, on va jouer top,' les gens vont accepter et jouer en conséquence.
Steeelback: Je pense que ça n'a pas marché chez Vitality aussi parce qu'au tout début, on avait essayé avec des Coréens. Ca s'est très très mal passé. Après, ça nous a monté un peu les uns contre les autres. On n'était pas dans un bon mindset, et du coup on n'a pas vraiment réussi à avancer et à s'améliorer ensemble. C'est vrai qu'on était vachement individuels. Je m'en rends compte que maintenant, chez Giants, où il y a une espèce de synergie. Toutes les équipes que j'ai faites, tu ne trouve pas toujours cette synergie. Là, je me suis rendu compte qu'on a un bon mix de joueurs. C'est toujours dur de savoir quel mix de joueur va être bon, mais là on a réussi à trouver un bon mix, et ça marche plutôt bien. Je suis content des résultats qu'on a pour l'instant.
Q. Je voudrais surtout rebondir sur la partie par rapport aux Coréens. Quelle est la différence entre Ruin, et entre Hachani et GBM ?
Steeelback : Ruin est quelqu'un d'assez discret par rapport à Hachani. Hachani voulait plus contrôler l'équipe et vraiment imposer sa façon de jouer, qui n'était pas mauvaise, mais qui ne correspondait pas forcément à tout le monde. Ruin est plus flexible. Il va s'adapter en fonction des besoins des autres. Il ne va pas demander toujours les ressources. Il va s'adapter, et c'est ça la plus grosse différence. C'est pour ça que ça marche aussi bien dans cette équipe avec ce Coréen là.
Djoko : Avec Vitality, on avait eu une mauvais expérience, come disait Steeelback, avec [GBM et Hachani]. Déjà, ils ne savaient pas très bien parler Anglais, donc ça posait un problème au niveau de la communication in-game et hors game. Hachani étant quelqu'un qui venait de KT Rolster, qui avait à l'époque gagné le split, qui était « le meilleur support au monde » et quand il est arrivé ici, il avait le plus gros palmarès d'entre nous, et il voulait imposer son style de jeu. LE fait qu'il ne communique pas forcément bien en Anglais, des fois il voulait dire des choses simples, mais au final il n'y arrivait pas. Au final, ça finissait sur du 'flame.' C'est dur de faire la part des choses tout le temps, et des fois tu prends pour toi alors qu'il veut juste t'aider.
A côté, il y avait des histoires du type : si tu faisais une mauvaise game, il voulait te kick. En gros, ça mettait une tension permanente. Il y a eu des choses qui se sont passées de type 50/50. Quand tu joues, si tu fais une mauvaise game, tu vas te faire remplacer. Du coup, au final, ça créait une tension qui était omnipotente, et que les gens ont du mal à gérer. il y avait des conflits intérieurs de tous les côtés, que ce soit in-game ou hors-game. C'est pour ça qu'au final, ça ne marchait pas. On avait trop de casseroles accumulées, et on n'arrivait plus à jouer ensemble, dû à tous ces problèmes qu'on a eu.
Q. Je comprends un peu mieux, du coup, que chacun se recentrait sur soi-même, autant par rapport aux ressources (en essayant de démontrer que je peux faire ceci ou cela) à la place de contribuer à la team.
Steeelback : C'est exactement ça. Tout le monde essayait de briller. Au final, une équipe brille ensemble. Tu ne peux pas tout le temps [faire en sorte que] tous brillent individuellement. Des fois, tu dois passer les ressources à un autre, et c'est obligatoire. C'est un esprit d'équipe. Il n'y avait pas du tout ça à cause de tout ce que Djoko a très bien expliqué. Du coup, tout le monde se recentrait sur soi-même.
Q. Du coup, on va dire que les pronostics par rapport à Giants n'avait pas ce genre d'information disponible à la base, d'où le fait que je me sois complètement planté sur mes pronostics. Comment avez-vous pris les pronostics? (Il y a eu pas mal de sourires et de rires durant les réponses)
Djoko : Au niveau des pronostics, que ce soit LoL Esports ou n'importe quelle personne, [ils] pensaient qu'on allait être la dernière team, et ça nous faisait plus ou moins rigoler. On ne peut pas prendre un pronostic sérieusement, de toute façon, [parce que] tout peut arriver. Autant on peut être premier, autant on peut être dernier, on ne le sait pas. Mais au final, ça nous faisait bien rigoler, surtout que les gens se rendent compte et se disent « Au final, ils ne sont pas si nuls que ça, et au final ils peuvent être une team qui peut aller aux playoffs ». Pour l'instant, je suis très content des résultats, mais je ne vais pas m'avancer plus pour prendre la grosse tête. Ce n'est que le début. C'est le début d'une aventure qui risque d'être super grande.
Steeelback : Pour moi, les pronostics n'ont jamais été en ma faveur, même avant quand j'avais rejoint Fnatic. On était une toute nouvelle équipe avec Huni et Reignover, et on disait qu'on allait être 7-8èmes, mais on a fini par gagner le split. Après, les pronostics, je n'en veux pas aux gens qui font ça parce qu'ils ne peuvent pas savoir, et ils n'ont pas les informations qu'on a. Toujours, on regarde ça, on se dit que c'est intéressant de voir leurs avis, mais ils ne connaissent pas vraiment les choses, et ce n'est pas grave au final. On se concentre sur nous-mêmes, sur les résultats. Tu apprends à ne pas te faire influencer par les avis extérieurs.
Q. Au final, Giants est une expérience qui vous libère. Surtout par rapport à Vitality, et aussi par rapport aux pronostics. Mais peut-être que vous y allez avec encore moins de pression que si on vous attendait au tournant.
Steeelback : Exactement. Ca donne moins de pression plus pour Targamas et Ruin qui sont nouveaux. Ca doit d'ailleurs les aider de se dire qu'on n'a pas d'attente. Après, je pense que pour moi, Djoko est Betsy, on est là depuis un bon moment, et on arrive à faire la part des choses. C'est toujours bien de démontrer aux gens qu'on est quand-même là, et qu'on a un bon niveau. Après, c'est toujours marrant d'avoir de bons résultats alors que tout le monde disait qu'on allait être derniers. Je me rappelle que j'étais allé sur ESPN, et qu'on était la dernière équipe du monde. On était derrière toutes les équipes. On avait regardé ça, et on a rigolé pendant une semaine parce qu'on n'en revenait pas qu'ils nous avaient mis là, mais ça peut arriver à tout le monde de se tromper.
Djoko : Forcément, la pression chez Vitality était énorme vis-à-vis [du fait que] si tu faisais une mauvaise game, tu pouvais te faire kick. Chez Giants, ce n'est absolument pas la même ambiance. C'est vraiment une ambiance familiale. Si on a besoin d'une barre de traction, un lit, un oreiller, Giants sont toujours à l'écoute pour nous aider dans la vie de tous les jours, et nous mettre aux petits oignons. C'est ça au final qui nous permet de pouvoir jouer sans pression, et un peu à la cool, parce que même eux ne nous attendaient pas forcément à ce niveau quand ils nous ont pris. iIs se disaient qu'on va avoir une team C, pas une team A, même pas B, faire limite playoffs. Tout le monde est surpris, et tout le monde est agréablement surpris parce que les gens ne nous pensaient pas forcément à ce niveau au niveau du public. On peut jouer sans la pression du public.
Q. Ce qui m’amène à ma prochaine question : comment construire un fond de jeu? Je savais que Steeelback était assez impliqué au niveau de la communication, mais je n'avais pas trop cette impression du côté de Djoko, parce que j'étais limité à ses expériences à UoL et Vitality.
Djoko : Pour construire le fond de jeu qu'on a actuellement, ça a été assez simple. On a juste joué ensemble. De base, la petite histoire rigolote c'est que Giants, pour faire leur tryouts, s'est dit 'du coup on va les mettre contre l'ancienne équipe des Giants.' On a gagné beaucoup de games, et à partir de là ça nous a mis en confiance. On s'est dit 'eux, ça fait un an qu'ils jouent ensemble, et nous ça fait trois jours, et on les gagne déjà.' On avait vu que chacun avait un potentiel de carry, de shotcalling, et pas d'égo ou de personnalité très forte qui voulait prendre le dessus sur la team. Je pense que tout le monde dans la team est dans le même mindset: on essaie juste de jouer propre, de jouer en équipe, et de ne pas essayer de demander trop de ressources.
Pour construire un fond de jeu solide et permanent, que ce ne soit pas [inconsistant], il faut que tu aies une base entre deux joueurs où il n'y a pas de pression, que les gens ne se disent pas "si je fais une erreur, ils vont me flame, ou on risque de perdre la game." Actuellement, on se rend compte que même si on est un peu en retard en early, on sait qu'en mid-game et en late-game, on a soit une meilleur comp ou soit en teamfight on a une meilleure synergie. On arrive à ne pas forcément aller trop loin, et on peel pour nos carries.
Steeelback : Pour vraiment créer un fond de jeu, ça dépend vraiment des joueurs, et de l'entente entre les joueurs. Au début, quand j'avais entendu la lineup que Giants proposait au niveau des tryouts, j'étais déjà très ami avec Djoko. On se connaissait avant chez Vitality, et on était vraiment meilleurs potes, donc je savais que ça allait coller avec lui. Je connaissais aussi Betsy de quand j'étais chez ROCCAT, et j'étais meilleur ami avec Betsy. Donc, je savais déjà que j'avais deux personnes sur qui je savais sur qui compter, en qui j'avais confiance. Je pense que c'était très important.
Ruin, je savais qu'il était bon, mais je ne le connaissais pas en tant que personne. Targamas était un tout nouveau joueur francophone, et c'était parfait - on parle la même langue, il est très jeune, et il veut apprendre.
Il y a eu cette entente qui s'est faite, et c'est dûr de savoir à l'avance si ça va vraiment se faire, mails il y avait toutes les chances de notre côté pour que ça marche. Dès qu'on avait joué ensemble, il y a eu une entente qui s'est faite. Je me rappelle des premiers tryouts qu'on a fait, et on gagnait contre l'ancienne équipe Giants qui est maintenant Vitality. Il y a eu cette synergie que j'ai senti, que je ne sens pas tout le temps dans toutes les équipes. Mais je l'avais senti quand j'étais chez Fnatic quand on avait gagné le split, et là je ressens un peu cette synergie qu'il y a en teamfight, dans les rotations. Même quand on est derrière, on arrive toujours à revenir. Quand on est devant, on arrive à bien jouer sur la carte, et je trouve qu'il y a une synergie qui est en train de se créer. C'est très intéressant de voir ça. Ca m'avait vraiment manqué. Je suis vraiment très content que ça marche, et j'espère que ça va continuer comme ça.
Q. Avez-vous quelque chose à ajouter par rapport aux sujets approchés, ou un mot pour la fin?
Djoko : Aussi pour dire que pour performer bien en tant qu'équipe, il faut que ce soit basé sur une bonne ambiance, et qu'il ne faut pas que ce soit in-game mais aussi en dehors de la game. Il faut que tout le monde soit ami, et que tout le monde s'entende bien entre chacun, sinon ça risque d'avoir des conflits. Quand il y a vraiment une bonne ambiance et que tout le monde est pote, c'est là que tu performes le plus. Sinon, tu fonces droit dans un mur si, chaque jour que tu fais une mauvaise game et qu'il y a des fights, ça s'enchaine et ça s'accumule. En LCS, c'est un marathon. C'est quelque chose qui dûre très longtemps, et il faut que tout le monde soit sur la même ligne et de garder cette bon ambiance.
Steelback : Je suis exactement d'accord avec Djoko. La bonne ambiance et l'entente entre les joueurs est très très importante. C'est vraiment ce qu'il y a de plus important, parce qu'une fois que tout le monde est heureux, tout le monde a plus confiance en soi. Les gens veulent plus jouer, s'entraident. C'est vraiment ce que les équipes ont tendance à oublier. Même si tu mets les cinq meilleurs joueurs ensemble, c'est pas forcément sûr que ça va marcher, parce qu'il faut qu'il y ait une entente qui se créé. Il ne faut pas oublier que League of Legends est un jeu d'équipe, et les gens ont tendance à vraiment oublier ça.
Merci à tous ceux qui nous supportent. Les gens qui nous envoient des messages, ça nous fait vraiment plaisir. J'espère qu'on va vous montrer un bon Giants ce split.
Djoko : Better smite wins the game.
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